Bard F
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From Eklektik-Rock
(http://www.eklektik-rock.com/chro.php?chro=916)
Si d’aventures le milieu du metal/rock – entendu dans son acception la plus large – se prenait à organiser l’élection du groupe le plus déprimant, il y a fort à parier que son regard se porterait rapidement vers le pays de Dante et Leopardi tant les formations à l’âme mélancolique sont légions. Et il n’est probablement pas exagéré de penser que Canaan figurerait dans le quintet gagnant. Depuis leur premier recueil de cantiques désespérés en 1996 (Blue Fire), les italiens ont régulièrement (Walk into my open womb en 1998, Brand new babylon en 2000, A calling to weakness en 2002) et sans dévier de leur morne trajectoire initiale, apporter leur funeste témoignage au procès de la condition humaine.
Je recommande rarement la prudence lorsqu’il s’agit de susciter l’intérêt à l’égard d’un groupe. Une fois n’est pas coutume, donc, car une mise en garde ici s’impose : pénétrer le monde de Canaan n’est pas un voyage de tout repos, loin s’en faut. Le groupe déverse de véritables hymnes à l’oppression, poisseux mais éthérés, qui tournoient autour de vous tel un bandeau de soie rouge sang prêt à resserrer son étreinte autour de votre cou frêle et offert. Le quotidien, qui parvenait encore à garder quelques couleurs et saveurs, n’est désormais plus qu’une masse informe et grise. Le spleen est inévitable. On tente de se convaincre qu’il convient de ne pas continuer par crainte de raviver de vieilles blessures ; on se persuade que l’entreprise s’avèrera inexorablement éprouvante si on la mène à son terme ; mais on veut savoir, on tient à poursuivre le sinistre voyage, à se jauger. Car il doit bien y avoir une vertu rédemptrice derrière cette brume sans doute infranchissable.
Le style du groupe est définitivement établi et ancré dans des fondements tout à la fois fragiles et immuables : voix masculine fantomatique et hypnotique, guitares plaintives à la sauce darkwave, chant anglais ici, déclamations dans la langue d’origine là, nombreux instrumentaux accentuant la sensation de sombre tourbillon dans lequel on est happé. Pourtant, et je pense que cela provient plus d’une évolution de la production que des compositions elles-mêmes même si selon le groupe il s’agit ici de leur album le plus inspiré, on peut peut-être se risquer à penser qu’on a ici l’œuvre la moins noire de leur discographie.
Mais moins noire, avec Canaan, c’est encore bien trop de lumière et c’est justement celle à la froideur de laquelle on cherche le plus souvent à se réchauffer.
RATE: 16/20
(http://www.eklektik-rock.com/chro.php?chro=916)
Si d’aventures le milieu du metal/rock – entendu dans son acception la plus large – se prenait à organiser l’élection du groupe le plus déprimant, il y a fort à parier que son regard se porterait rapidement vers le pays de Dante et Leopardi tant les formations à l’âme mélancolique sont légions. Et il n’est probablement pas exagéré de penser que Canaan figurerait dans le quintet gagnant. Depuis leur premier recueil de cantiques désespérés en 1996 (Blue Fire), les italiens ont régulièrement (Walk into my open womb en 1998, Brand new babylon en 2000, A calling to weakness en 2002) et sans dévier de leur morne trajectoire initiale, apporter leur funeste témoignage au procès de la condition humaine.
Je recommande rarement la prudence lorsqu’il s’agit de susciter l’intérêt à l’égard d’un groupe. Une fois n’est pas coutume, donc, car une mise en garde ici s’impose : pénétrer le monde de Canaan n’est pas un voyage de tout repos, loin s’en faut. Le groupe déverse de véritables hymnes à l’oppression, poisseux mais éthérés, qui tournoient autour de vous tel un bandeau de soie rouge sang prêt à resserrer son étreinte autour de votre cou frêle et offert. Le quotidien, qui parvenait encore à garder quelques couleurs et saveurs, n’est désormais plus qu’une masse informe et grise. Le spleen est inévitable. On tente de se convaincre qu’il convient de ne pas continuer par crainte de raviver de vieilles blessures ; on se persuade que l’entreprise s’avèrera inexorablement éprouvante si on la mène à son terme ; mais on veut savoir, on tient à poursuivre le sinistre voyage, à se jauger. Car il doit bien y avoir une vertu rédemptrice derrière cette brume sans doute infranchissable.
Le style du groupe est définitivement établi et ancré dans des fondements tout à la fois fragiles et immuables : voix masculine fantomatique et hypnotique, guitares plaintives à la sauce darkwave, chant anglais ici, déclamations dans la langue d’origine là, nombreux instrumentaux accentuant la sensation de sombre tourbillon dans lequel on est happé. Pourtant, et je pense que cela provient plus d’une évolution de la production que des compositions elles-mêmes même si selon le groupe il s’agit ici de leur album le plus inspiré, on peut peut-être se risquer à penser qu’on a ici l’œuvre la moins noire de leur discographie.
Mais moins noire, avec Canaan, c’est encore bien trop de lumière et c’est justement celle à la froideur de laquelle on cherche le plus souvent à se réchauffer.
RATE: 16/20