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METAL IMPACT said:Note : 5/5
A quelques jours du premier anniversaire de sa sortie, voici enfin la chronique de Cybion de KALISIA. Autant vous avertir tout de suite, mon avis ne diverge pas de celui d’une dizaine de confrères, travaillant sur d’autres webzines, qui lui ont mis la note maximale. Pourquoi tant d’engouement pour ce groupe que seuls ceux ayant passés le cap des 25 ans ont dû entendre les débuts ? Au début, comme beaucoup, j’étais sceptique vis-à-vis de toutes ces critiques positives sur un album de Metal Progressif, réalisé par un groupe dont je n’avais jamais entendu parler auparavant. Une seule écoute a suffi à me ranger auprès de ses adorateurs. KALISIA a tout simplement sorti l’album de l’année, un album qui restera longtemps une référence et qui montre encore une fois que la scène Metal française est bien plus riche que l’on ne le pense. Réponse facile, me direz-vous. Soit, je m’en vais donc vous détailler ce chef d’œuvre…
Il est bon de préciser que Cybion se doit d’être appréhendé comme un seul et unique morceau, d’une durée de 1:11:11, subdivisé en 20 chapitres, pour faciliter la progression. Oui, des chapitres, car Cybion n’est pas un simple album qui enchaîne les morceaux comme un juke-box en roue libre, c’est avant tout la bande-son d’un concept magistral inventé par les sieurs Brett Caldas-Lima (chant, guitare, programmation) et Laurent Pouget (claviers). Tout au long de l’album, nous est présentée une partie d’une histoire de science-fiction incommensurable, que KALISIA nous fait vivre au travers de la musique, des textes et des magnifiques images agrémentant le livret. Le concept a ici été poussé à son maximum : étalés sur 36 pages, on découvre ce récit d’anticipation, ainsi que les biographies des différents protagonistes et les toiles extrêmement détaillées représentant les scènes clés de l’histoire. On remarque également les traductions des passages chantés en langue inconnue. Inconnue car, et c’est là un des points forts de l’investissement de Brett, elle a été inventée et créée de toute part, de sa calligraphie à ses règles de grammaires, jusqu’à son nom : le Kal.
D’un point de vue musical, Cybion est un réel bijou, une source de richesse grandiose évoluant en harmonie avec l’histoire qui se déroule dans notre subconscient. Le disque est composé de quatre parties majeures, chacune travaillée minutieusement pour s’accorder avec les émotions, sensations et évènements du récit. Cette opulence est le produit d’une pléthore d’influences diverses et variées, émanant d’une quinzaine de genres différents (allant du Metal Progressif au Thrash Metal, en passant par l’Ambiant, le Death et la Pop) et pas moins de 121 groupes s’imposant comme source d’inspiration majeure. Cependant, considérer ce concept album comme un simple melting-pot des caractéristiques phares de chaque genre mises bout à bout serait une erreur monumentale, tant le travail réalisé ici se révèle être colossal. Les membres de KALISIA se sont appropriés ces influences et les ont réintégrées à leur façon dans leur musique.
Le disque débute sur des voix robotiques introduisant une envolée orchestrale symphonique, un avant-goût de l’éclectisme qui nous attend par la suite. La première partie, « REVELATION », commence alors et porte bien son nom. En effet, le paysage musical qui s’impose à nos esgourdes ébranle toutes certitudes acquises sur la magnificence d’un album et confirme que l’on vient d’embarquer pour une aventure rare et intense. Amateurs de Metal Progressif, vous voilà servis ! De longues tirades guitaristiques alambiquées aux rythmes complexes et techniques à la DREAM THEATER ou AYREON autour desquelles s’ordonne une kyrielle d’éléments musicaux variés et complémentaires. On remarque ensuite le travail opéré sur la diversité des voix, chacune étant utilisée à bon escient. Ainsi, même si Brett utilise ses vocaux Death en grande partie, il adapte son chant selon l’avancement de l’histoire, passant des shrieks distinctifs du Black au chant clair, industrialisé ou édulcoré de la Pop/Rock… Et il n’est pas le seul à prendre la parole, Elodie Boucher marie à merveille son chant symphonique et délicat à l’ambiance complexe et torturée de l’album, et les chœurs majestueux offrent une touche épique à la composition, sans oublier les innombrables voix robotisées qui agrémentent merveilleusement l’univers froid et cybernétique de certains passages. Au début de la troisième partie, « REGRESSION », c’est un orateur au timbre particulier qui s’invite en la personne d’Arjen Lucassen, de quoi combler définitivement les fans de Prog’.
Et s’il est des albums ou l’instrumental est le point clé de la réussite, Cybion en fait clairement partie. L’album possède une mélodie et une allure en perpétuelle évolution, où les agrégats sont légion et les solos et la virtuosité des musiciens sont impressionnants de technique. La preuve en est au chapitre « Circuits Distortion [Reconstruction|Intrusion] », qui met en avant les prouesses des guitaristes avec d’interminables et prodigieux solos de guitares, une maîtrise que l’on retrouve dans la qualité similaire des riffs (ceux de basse également) sillonnant l’ensemble de l’œuvre. Parcourant aussi bien les breaks ambiants que les parties de violence brute, avoisinant le Black Metal de ROTTING CHRIST ou bien de SAMAEL dans les phases plus industrielles, c’est une batterie dantesque qui s’impose, soit enchaînant les blast beats à une cadence schizophrénique ou se faisant plus discrète pour, la seconde suivante, marteler un rythme effréné. Mais s’il y a bien un instrument majeur chez KALISIA, c’est le clavier. L’harmonisateur de toutes les mélodies. Il permet une incrémentation aisée et fluide des différents genres musicaux, jouant avec les atmosphères et les émotions, transformant les compositions instrumentales en sublimes bandes-son, agrémentant le Death Technique d’arrangements Techno (qui ne sont pas sans rappeler les américains de chez CYNIC), ou nous plongeant dans des ambiances Doom/Gothique plus sombres et intimistes (proches de MOONSPELL ou KATATONIA). Toute cette orchestration a été réfléchie et peaufinée à la note près, de manière à intensifier chaque évènement et procurer de multiples sensations enivrantes chez l’auditeur.
On pourrait croire qu’un album/morceau de cette ampleur aurait tendance à s’essouffler et se répéter en approchant de la fin ; eh bien Cybion, lui, continue de nous étonner et de nous émerveiller jusqu’aux toutes dernières minutes. Effectivement, alors qu’on pensait le calme revenu, bercés par une ambiance spatiale et quelques notes acoustiques aériennes, retentit soudain le thème du concept puis cet engrenage musical repart à plein régime, nous propulsant dans des lignes typiquement Electro. On en vient à se demander comment de simples hommes sont parvenus à développer une symbiose musicale aussi prodigieuse tant le potentiel dévoilé est énorme et ne cesse de surprendre.
Cybion recèle tellement de subtilités que toutes les citer prendrait un temps considérable. Cependant, les plus brillantes et notables vous feront dresser les poils sur l’échine tant leur intégration relève du génie. KALISIA nous offre par exemple, en guise d’introduction de sa seconde partie, un solo de saxophone typiquement jazzy, lui-même précédé d’une mélodie interprétée à la flûte. Et que dire du passage Funk avec ses motifs de batterie, basse et guitare syncopés grandement maîtrisé ou encore des parties atmosphériques et ambiantes dignes des grands compositeurs tels Hans Zimmer ou Vangelis ? Une réussite totale.
Bien qu’il n’y ait pas de réel refrain martelé en boucle, mis à part le « Time Has Come » fédérateur, il est impossible d’oublier ce que l’on vient d’entendre. Une écoute suffit à subjuguer. S’il n’existe pas, à proprement parler, d’hymnes sur Cybion, c’est parce que l’album en est une à lui tout seul ; l’hymne à la grandeur et l’avant-gardisme, de visionnaires sans limites.
Il me reste quelques mots à toucher sur la production remarquable dont a bénéficié l’album. En effet chaque instrument est toujours distinct et le rendu de ce morceau démesuré est loin d’être confus, bien au contraire, il reste toujours clair, ce qui n’est pas aisé puisque, par endroit, plus de 200 pistes ont été superposées. On pourrait également penser que ses multiples influences font de Cybion un album très hétérogène qui s’égare dans diverses mélodies n’ayant rien en commun. Néanmoins, même s’il est difficile de discerner un fil conducteur dans cette nébuleuse musicale, il existe bel et bien un leitmotiv symphonique qui permet ainsi à l’ensemble de garder une cohérence et une homogénéité envoûtantes.
Après 14 années d’attente, suite à leur démo Skies, qui avait également subjugué les critiques à l’époque, KALISIA engendre cette fois-ci une œuvre gargantuesque qui marquera le paysage du Metal pour de longues années. Cybion est loin de pouvoir être cerné par une simple chronique ; pour être témoin de son ampleur et son hégémonie, il faut se laisser emporter dans cette aventure et devenir alors une de ses cellules car, au fond de nous, « We’re cells of the Cybion »…
Note : Pour les personnes ayant acheté le CD : certains d’entre vous auront remarqué un petit saut, sur la piste 16, lorsque la batterie se met en branle. KALISIA met à votre disposition la version corrigée de la piste, sur son serveur : http://www.kalisia.com/track16