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Après deux albums qui ont marqué les esprits, Void of Silence a réalisé quelque chose de grand, quelquechose d'unique, qui va faire date dans l'histoire du métal expérimental. Avec la venue du chanteur de Primordial (groupe auquel je vais vite m'intéresser), le groupe a atteint le stade de l'excellence.
Human Antithesis commence par sa pièce la plus longue, un titre éponyme d'une vingtaine de minutes divisé en trois chapitres, vingt minutes durant lesquelles le groupe déploie son génie au grand jour, une convergence des plus convaincantes entre des styles tels que l'indus, l'ambient et le doom metal.
C'est sur ce premier acte que va se focaliser ma chronique, le reste de l'album y étant équivalent autant du point de vue stylistique que qualificatif... Human Antithesis commence donc par un passage ambient, et une saveur déjà toute particulière point immédiatement à l'écoute: nappes de claviers opressantes, samples de discours en italien, percussions synthétiques purement indus... et tout doucement, le malaise s'installe... une ligne de guitare très saturée, d'une extrême noirceur, sur laquelle viennent progressivement se greffer claviers, rythmique puissante et martiale et toujours ces samples et ces bruits inquiétants qui agissent dans la discrétion.
Void of Silence fait dans la mise en scène, et installe ses ambiances progressivement pour toujours arriver au même résultat: l'extase, une succession de sombres tableaux mystiques, le tourment d'une âme nourrie par la colère et par l'espoir. Les transitions entre ces visions du monde se font dans l'aisance et la maîtrise la plus totale, les guitares lourdes et suffocantes sombrent dans le vide, alors que surgissent des vocaux féminins angéliques, toujours sur fond d'ambiance apocalyptique et inquiétante, comme si la parole de Dieu planait sur un monde en proie à la destruction.
Et toujours la musique se renouvelle ainsi, et toujours elle surprend: notes de piano fantomatiques, passages acoustiques froids et envoûtants, et ces claviers, ces samples omniprésents, toujours tapis dans l'ombre... fascinant. Cet album fait partie de ceux qui se découvrent à chaque écoute, dévoilant toujours de nouvelles sensations... les meilleurs effets en présence, proprement indescriptibles, sont ceux qui se remarquent le moins, et cela Void of silence l'a tout à fait compris (le mixage d'un tel album doit être un défi de taille). Quant au chant, il est exemplaire, d'une ampleur dramatique incroyable, il insuffle à la musique une aura particulière à chaque tableau, assurant toujours les transitions avec fluidité... désespéré, rêveur, rageur, haineux... Alan Nemtheanga s'impose comme un vocaliste exceptionnel.
Le groupe ne sombre à aucun moment dans la violence musicale pure, mais cette violence demeure palpable à chaque instant, une aura sombre et oppressante règne sur chaque riff, sur chaque note de clavier. A de nombreuses reprises la musique s'élève, que ce soit dans la haine (le chant black est parfait) ou dans l'espoir d'un monde meilleur, j'en prends pour preuve les quatre dernières minutes de ce premier chapitre, bouleversantes au possible... ces états de grâce sont souvent accompagnés de textes on ne peut plus explicites...
Car oui Void of Silence est un groupe engagé, et ces discours violents ne sombrent pourtant jamais dans l'extrémisme exacerbé ou la bêtise: les textes sont magnifiques, tant l'écriture est stylée et intelligente. Par ces discours de révolte, le groupe désigne clairement l'ennemi du doigt: la religion, quelle qu'elle soit, est au centre du propos. Cette succession de tableaux désespérés, empreints de tristesse et de colère, deviennent très clairs au fil des écoutes, Void of Silence pleure, hurle à la mort, et invoque une révolution totale pour un monde meilleur. C'est à ce stade que la musique du groupe prend aux tripes, impossible de résister à l'appel de la guerre, impossible de ne pas prendre les armes, impossible de ne pas brandir l'étendard du mal face à ces institutions et ces dogmes grotesques et laver dans le sang toute la douleur de l'humanité. En un titre, on perd la tête, 20 minutes de richesse sonore et une démonstration talentueuse qui ne s'oublient pas de sitôt...
Cependant, les quelque 40 minutes qui restent sont du même niveau, chacun des titres abordant un thème différent, avec pour principale composante ce désespoir et ce sentiment de révolte qui ne laisse aucun répit. Le deuxième titre est d'une tristesse absolue, à la limite du supportable, mais pourtant si beau et si inspiré, qu'on en ressort complètement abasourdi... et c'est après une transition tout en choeurs envoûtants que surgit le titre le plus violent de l'album, qui commence par une longue partie ambiente magistrale, et je pèse mes mots... et le choc arrive, Void of Silence fait du doom metal... une rythmique loin des clichés "pachydermiques", un jeu tout en finesse au service d'un titre exceptionnel. C'est sur ce 4ème chapitre que le chant atteint des sommets, vocaux rauques typiquement doom, hurlements d'une rage impressionnante, on passe par tous les degrés d'émotions, avec pour apothéose ce chant lyrique et divin qui est présent sur la totalité de l'album. Le cinquième titre surenchérit dans le désespoir, même si ici l'ambiance est bien plus malsaine, voire complètement malade... et contre toute attente, l'album s'achève sur une ouverture claire, une grande lueur d'espoir, mais si éphémère, si belle et fragile, qu'elle ne peut qu'être utopique... Le tout accompagné si je ne me trompe d'une lecture en italien du reniement de Saint-Pierre (C.Baudelaire), une conclusion spéciale pour un album au très haut statut.
Décrire de telles choses est réellement difficile, dans la mesure où Human Antithesis fait beaucoup appel à la perception, à la sensibilité et à la réflexion de l'auditeur. Dans une approche plus concrète, on a bel et bien affaire à du doom metal, reconnaissable entre mille certes, mais les fans du style y trouveront vite leurs repères, avec notamment ces riffs lents, percutants... et ces quelques longueurs, jamais chiantes mais qui mettent toujours mal à l'aise. la production est énorme, parfaite pour le style du groupe, et les musiciens imposent le respect, à savoir que seuls 2 hommes s'occupent de la partie musicale, et vu le résultat, on ne peut qu'être ébahi... les ambiances envoûtantes, les riffs inspirés, la batterie énergique et originale, les mélodies imparables, les transitions... il y a tant à dire... Vous l'aurez compris, j'adhère à 100% à la musique du groupe.
Cet album fait avancer les choses, il peut ouvrir de nouvelles portes à chaque auditeur qui approfondira ses écoutes, cet hybride ambient/indus/metal attise le désir de partir à la conquête de nouveaux styles musicaux. Un album qui s'impose de lui-même, unique, intelligent et incontournable...
(Deckard - 06/06/2004)